Inauguration de la traction électrique à St-Gingolph

1 octobre 1954
Bulletin CFF secrétariat général
Yannik Plomb

Inauguration de la traction électrique du tronçon Monthey St-Gingolph de la ligne du Simplon

Les CFF avaient promis d’électrifier pour la date du 1er octobre 1954 le tronçon Monthey-St-Gingolph de la ligne du Tonkin.

Après la seconde Guerre mondiale, l'électrification de la ligne en 15000 V 16.7 Hz est mise en service en deux étapes :

18 juin 1946 entre la bifurcation des Paluds (ligne du Simplon) et Collombey-Muraz

1er octobre 1954 jusqu'à Saint-Gingolph.

Ils ont tenu cette promesse et il faut leur en savoir gré. Ces travaux d’électrification, qui ont coûté à notre grande régie nationale 2’ 350’000. Fr, ont nécessité d’importants travaux concernant l'électrification du tronçon Monthey-St-Gingolph

Le dernier tronçon électrifié, dont l'origine est voisine de la halte de CoIIombey, a une longueur de 19,4 km et comporte 24,3 km de voies et a nécessité la pose de 28,8 km de lignes de contact. Pour supporter ces lignes, on a pu renoncer aux poteaux en bois et utiliser des poutrelles en fer galvanisé. Ces supports, en forme de double T à larges ailes, ont une hauteur moyenne de 8 m. et une largeur de 16 cm. On a utilisé 408 mâts qui, mis bout à bout, mesureraient 4070 m. leur poids total est de 172 t. Le fil de contact est constitué en pleine voie et sur les voies principales des gares par du fil de cuivre rainure de 85 mm2 de section. On en a déroulé 21, 3 km pesant 16 t. Sur les voies secondaires des stations, on a utilisé 4,6 km de fil de 70 mm 2, pesant 2,8 t. Le fil de contact est constitué, en pleine voie câble porteur en acier de 50 mm 2 de section d'une longueur de 31,7 km et d'un poids de 12, 8 t.

Les travaux d'électrification proprement dits s'élèvent à Fr. 970'000.-

Pour le tronçon, de Saint Maurice à Monthey et à Fr. 2'350' 000.-

Pour celui de Monthey à Saint-Gingolph, des travaux d'extension des voies de gares et de bâtiments ont coûté Fr. 800'000.- environ et les réfections et renforcements des voies Fr. 1'600'000.- La dépense totale de tous ces travaux se monte ainsi à Fr. 5'720' 000.-

L'électrification complète de la ligne Saint-Maurice - Saint-Gingolph permettra une économie annuelle de combustible d'environ 2500 t.de charbon, ce qui représente Fr. 210'000.- à 220'000.-

L’installation de postes de distribution à Vouvry et au Bouveret, la rénovation de certaines gares, la réfection entière de la voie entre St-Maurice et St-Gingolph par soudage des rails en longueur de 36 m., le raccourcissement des avant-toits de certains bâtiments, l’abaissement de la voie sur 200 m en gare de Collombey pour éviter d’avoir à relever le pont sur lequel passe l’AOMC et une foule d’autres travaux et installations les plus divers. Il fallait dignement inaugurer l’importante amélioration que représente cette heureuse réalisation. Les CFF avaient choisi pour cela la date du vendredi 1er octobre en faisant partir de Lausanne le train inaugural amenant les invités conviés à la cérémonie

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Le train inaugural au départ de Lausanne photo CFF

Quant à l'horaire, il sera quelque peu modifié dès l'introduction de la traction électrique Les trains seront accélérés et les correspondances à St-Maurice sensiblement améliorées. En conclusion, on peut dire qu'au point de vue technique cette ligne n'a plus rien à envier aux lignes principales de notre réseau.

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En gare de Monthey CFF

A MONTHEY

Ce train inaugural est arrivé en gare de Monthey vers 11h.20 La locomotive électrique qui le tirait était décorée aux couleurs suisses et valaisannes. Celle, à vapeur, du train régulier quittant à peu près à la même heure Monthey en direction du Bouveret avait à son fronton cette inscription inspirant un peu de mélancolie : « C’est le dernier ». Les personnalités officielles et les invités amenés par le train inaugural et parmi lesquels nous nous bornons à citer pour le moment M. le Dr Favre, directeur général des CFF et M. Marguerat , directeur du ler Arrondissement , ont été salués avec distinction par M . Maurice Delacoste , président de la Commune de Monthey , qui a , entre autres , rendu hommage aux CFF et exprimé sa sympathie au chef du Département fédéral des Postes et Chemins de fer , notre distingué concitoyen M . Joseph Escher, empêché d’assister à la cérémonie. M. Marguerat répondit très aimablement à l’allocution du président de Monthey, après quoi des enfants des écoles, dirigés successivement par Mlle Suzanne Bréganti et par M. le professeur Bujard, exécutèrent des chants de circonstance.

A COLLOMBEY

A la halte de Collombey, c’est M. le président de Lavallaz, entouré de la plupart de ses conseillers, qui souhaita la bienvenue aux occupants du train inaugural et là aussi ce fut M. le directeur Marguerat qui lui répondit.

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En gare de Collombey CFF

A VIONNAZ A Vionnaz, ce fut M. le président Céleste Launaz qui s’acquitta avec humour de la même tâche, apprenant à ceux qui lécoutaient que la halte de Vionnaz est située sur le territoire de la commune de Collombey-Muraz , les terrains sur celle de Vionnaz n’atteignant pas la ligne des chemins de fer . L’orateur plaida fort habilement devant les deux directeurs des CFF la cause de ses administrés en faveur de la construction d’une gare en lieu et place de la halte actuelle. MM. Favre et Marguerat répondirent avec esprit à M. Launaz après avoir enregistré sa revendication.

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En gare de Vionnaz CFF

A VOUVRY

Vint le tour de Vouvry où c’est M. le président Emilien Pot, entouré de ses conseillers, qui remplit avec distinction et esprit la tâche d amphytrion imposée par les circonstances. Puis, dirigés par M. l’instituteur Pignat , des écoliers exécutèrent sur l’air du Petit Navire un chant de circonstance qui mérite d’être reproduit , ce que nous nous empressons de faire ci-après :

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En gare de Vouvry CFF

NOTRE TONKIN Il existait sur notre ligne Un bien gentil, tout gentil petit train Ohé Ohé I Il fut le jour de son baptême Doté d’un nom, ma foi, très distingué Ah-Ah, Ah-Ah ! Le « Tonkin » rendit bien service A la région de notre Bas-Valais Oui, ça c’est vrai ! Lentement, sans se faire de bile, il attendait les gens pas trop pressés Ohé, Ohé ! Ses panaches étaient sympathiques Et son « Tchou-Tchou » nous était familier Tchou-Tchou, Tchou-Tchou ! Mais au siècle de la vitesse On le trouva bien un peu démodé Oh-Oh, Oh-Oh ! Aussi, après une longue attente, On décida l’électrification Ohé Ohé !

L’histoire de la ligne dite du Tonkin, entre Evian et Saint-Gingolph, a commencé dans les années 1880. Naît alors le projet d’une ligne reliant Aoste à l’Ouest du Léman, Bellegarde et Annemasse. Dès 1880, Le Bouveret est relié à Saint-Gingolph et en 1882, Evian est reliée à Thonon, Annemasse et Collonges. En 1886, la PLM (Paris-Lyon-Méditerrannée) met en service la ligne entre Evian et Saint-Gingolph, qui complète l’itinéraire entre Italie, Suisse et France.

Versons quelques larmes amères Sur le destin de notre petit train Hi-Hi, Hi-Hi ! Le progrès a ses exigences Aussi saluons-nous avec fierté Le Nouveau-né ! Merci donc à ceux qui furent Les artisans du train électrifié Ohé, Ohé ! Nous avons surtout retenu de l’allocution de M. Pot son appel à une réunion toujours plus étroite avec le chef-lieu de Monthey.

Aux Evouettes, tandis qu’une dame offrait des fleurs au mécanicien de la locomotive, des enfants des écoles entonnaient un chant sous la direction de M. le régent Woeffray.

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En gare des Evouettes CFF

A ST-GINGOLPH

Le train inaugural, dont il convient de préciser qu’il était placé sous la haute direction du chef de train principal, M. Chablais, le maître tireur et champion vaudois bien connu à Monthey, ne s’arrêta que l’espace d’une minute au Bouveret avant de repartir pour St-Gingolph-Suisse où l’attendait une réception en musique par la dévouée fanfare du village franco-suisse, « les Enfants des deux républiques ». La France voisine était présente grâce à M. le maire Zénoni et à son adjoint opérant dans les rangs de la fanfare. On voyait encore, sur le quai de la jolie halte, des enfants de l’école communale, dirigés par M. Michelet, et du collège de St-Gingolph, qui tous exécutèrent des chants appropriés, tandis qu’une charmante demoiselle honneur, encadrée de deux petites filles en costume valaisan, offrait des fleurs à M. le directeur général Favre. C’est après cela que M. Benjamin Fornay président de St-Gingolph-Suisse, prit la parole au nom de l’administration dont il est le chef. Il adressa, lui aussi des remerciements aux CFF pour l’œuvre accomplie, les félicitant en outre d’avoir doté la localité d’une halte coquette, faisant encore remarquer la part prise dans la réalisation de cette œuvre par le préfet de district. M. Favre, ému de l’accueil de St-Gingolph, exprima ses remerciements à M. Fornay et à toute la population du village.

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En gare de Saint-Gingolph

AU BOUVERET Vint le tour du Bouveret, terme du voyage. Il s’impose de dire que l’accueil réservé par sa population aux occupants du train inaugural fut de loin le plus beau de la journée. Disons avant tout, que les participants furent accueillis à la descente du train par une vibrante marche exécutée par la fanfare « l’Etoile du Léman » qui devait d’ailleurs être sur la brèche jusqu’à l’heure du départ. Des organisateurs, auxquels nous nous empressons de rendre hommage, avaient établi un programme dont le déroulement fut réglé de main de maître par M. Richon. Rien n’avait été laissé au hasard et une originalité de bon goût avait présidé à l’élaboration et à la réalisation du programme. On avait confié à une charmante fillette le soin d’adresser aux participants, et spécialement aux organes dirigeants des CFF, les souhaits de bienvenue qui étaient de mise. Puis vinrent deux enfants vêtus à la mode de 1900 qui firent l’historique des vieilles locomotives condamnées à mort par le progrès caractérisé par les locomotives électriques et qui exprimèrent leur regret de les voir sacrifiées aux exigences de notre époque. Une autre enfant, symbolisant l’actuelle génération, souhaita au contraire une heureuse bienvenue à la nouvelle locomotive.

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En gare du Bouveret CFF

A ce même moment on pouvait voir en gare du Bouveret, à côté du train inaugural et de sa belle locomotive, une des locomotives à vapeur qui va disparaître, puis la puissante locomotive à vapeur d’un train français décorée aux couleurs de la République sœur.

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En gare du Bouveret locomotive SNCF 141 F 261

Locomotive à vapeur ex PLM Ces locomotives ont aussi bien tracté des trains de voyageurs que des trains de marchandises. Elles disposent ici d’un tender identique aux Pacific. Ces locomotives, bonnes grimpeuses, sont issues des 141 C construites à 680 exemplaires entre 1918 et 1934 et elles ont été transformées à partir de 1942 : 254 en 141 E et 195 en 141 F. Elles ont terminé leur service commercial à la fin des années 60.

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En gare du Bouveret locomotive SNCF 141 F 261 et tender 30 A 182

M. le directeur Favre eut un geste charmant à l’égard du mécanicien de cette locomotive française en lui remettant une des gerbes de fleurs qui lui avaient été offertes en même temps que des demoiselles d’honneur fleurissaient copieusement le mécanicien et le chauffeur de la locomotive à vapeur suisse qui a cessé pratiquement de circuler sur le Tonkin. Vint ensuite l’acte solennel de la bénédiction de la nouvelle locomotive électrique et des nouvelles installations de la gare par M. le révérend abbé Pannatier, curé de la paroisse. Pendant ce temps-là, des tireurs placés sur la marquise de la gare, rehaussaient l’éclat de la cérémonie en tirant des salves de mousqueton. Des enfants des écoles se produisirent encore sous la direction de leur maître, tandis que l’excellent chœur mixte des Evouettes en faisait autant sous celle de M. Brousoz.

En ce temps là la liaison entre Saint-Gingolph France et Genève Annemasse par Evian et Thonon était en fonction.

Evian / Saint-Gingolph : une ligne à l’abandon depuis plus de trente-cinq années

Créée en 1886, la ligne du Tonkin a transporté des voyageurs pendant près de 50 ans avant de n’accueillir que des liaisons de fret. Depuis 1998, plus aucun train ne circule entre Saint-Gingolph et Evian, laissant les rails à l’abandon. Mais on reparle très sérieusement de la réouverture de la ligne, Evian / Saint-Gingolph la réhabilitation de la ligne de train est prévue pour 2026 cela n’est pas de l’histoire, mais de l’actualité…

Source Bulletins CFF 1954, CFF Historic, archives personnelles , le Messager

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  • Sylvie Bazzanella

    Empruntant régulièrement la route St-Gingolph-Evian, la ligne du Tonkin fait peine à voir. Espérons vivement que sa réhabilitation intervienne avant que tout ne soit délabré. Si les CFF sont partants, il semble que c'est du côté de la France que ça coince...

Yannik Plomb
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18 décembre 2023
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