Un avion valaisan dans le ciel argentin
Un avion valaisan dans le ciel argentin
Histoire de Louis Briggeler de Visperterminen, constructeur d’aéroplanes.
(Voir aussi le dossier NH : Sierre - Le garage mythique François Garbaccio)
Enquête rétrospective en Valais et en Argentine de Charly-G. Arbellay
Nous sommes au début des années 1900. Depuis une vingtaine d’années, Louis Briggeler de Visperterminen a rejoint la colonie de San Geronimo Norte près de Santa Fe en Argentine. Là vivent plusieurs familles haut-valaisannes émigrées notamment, de Salquenen, de Gringiols, de Loèche et de Staden. Artisan intelligent, débrouillard, observateur, Louis Briggeler s’est rapidement intégré parmi les siens grâce à son savoir-faire et à son dynamisme.
Lorsqu’il observe les images d’aéroplanes d’Europe publiées dans les journaux locaux, il n’a qu’une phrase : "Es ist nicht schwer zu bauen" (ce n’est pas difficile à faire !).
En 1912, dans son immense hangar à fourrage il se met au travail. Il s’inspire des aéroplanes en vogue à cette époque-là : le Blériot, l’aéroplane de Jean Vinet doté d’un réservoir de carburant surélevé ou encore de celui de Gastambide & Mengin. Il construit d’abord une structure en bois qu’il entoile. Il a le choix entre plusieurs moteurs : Manly, Gabron, Farman, Antoinette, Panhard et Bertin de 50 HP et 8 cylindres. Il achète le Bertin.
Le prototype de l’aéroplane de Louis Briggeler – en photo dans le médaillon – Ce modèle possédait un réservoir haut trop dangereux, modifié par la suite. Collection Arbellay
On en parle en Valais
L’invention de Louis Briggeler est relatée par le Walliser Bote du 27 mars 1912, sous le titre Les Valaisans dans un pays étranger, le quotidien haut-valaisan (écrit encore en lettres gothiques) : « Selon le Bolksfreunde argentin, à San Geronimo, le Valaisan, M. Louis Briggeler, a inventé une machine volante et a donc déjà obtenu de jolis succès ». Suit une explication sur la conception de l’aéroplane où il est dit que la machine est de son invention et qu’elle vole.
Le Walliser Bote du 27 mars 1912 annonce les exploits de Louis Briggeler.
Ce qui laisse à penser que Louis Briggeler a déjà réalisé quelques tentatives de décollage. Cependant, tout en étant bon constructeur, Louis Briggeler n’est pas pilote.
En été 1916, soit quatre ans après son invention, il fait appel à la star automobile du moment : Domingo Bucci (1895-1933). A 17 ans, Bucci voyageait déjà en Europe. Il fréquentait l’école d’aviation Caproni située proche de Malpensa à Milan. Il avait rencontré Roland Garros et ensemble, les deux étudiants avaient appris à piloter le premier Blériot. En 1913, de retour en Argentine, il avait emporté avec lui les plans d’assemblage du Blériot qu’il fit construire. Il effectua diverses représentations lors des expositions régionales mais bientôt Bucci préféra le sport automobile.
Le pilote automobile Domingo Bucci qui a joué au pilote d’essai pour Briggeler.
L’aéroplane s’écrase
Invité à jouer le pilote d’essai, Louis Briggeler lui confie son aéroplane. Sur un terrain près de San Geronimo Norte, Bucci lance sa machine en présence de plusieurs invités.
Peu avant le décollage, tous les proches posent devant l’aéroplane Briggeler
Il y a même quelques dames en tenue de l’époque. L’engin quitte le sol, s’élève doucement, puis brusquement pique du nez. L’aéroplane et endommagé, le pilote s’en sort sans mal heureusement. Louis Briggeler diagnostiquera un mauvais équilibrage des charges : trop lourdes à l’avant et une poutre de queue insuffisamment longue. L’expérience s’arrête là !
L’aéroplane de Briggeler a piqué du nez après un court décollage.
Au musée
En 2023, la structure de l’aéroplane de Louis Briggeler ainsi que le moteur Bertin sont exposés à Santa Fe, un musée qui rassemble toutes les voitures et trophées du champion automobile argentin Bucci. Ce qui reste de l’aéroplane est suspendu au-dessus des visiteurs.
La structure en bois de l’aéroplane exposée au musée Domingo Bucci.
A leurs débuts, les avions furent construits un peu partout dans le monde par des inventeurs téméraires qui en dressaient les plans. L’exécution était ensuite confiée à une équipe d’ouvriers, surtout des menuisiers capables de travailler les bois, droits ou cintrés, une technique utilisée également dans les carrosseries automobiles.
Carte postale – Louis Briggeler (chapeau et moustache) avec les officiers argentins.
Un nouveau dossier captivant monté par Charly Arbellay, un fin connaisseur curieux de la petite (et la grande) histoire du Valais. Merci Charly.