L’événement qui a changé la vie des Sierrois Repérage

Sierre
Charly Arbellay
Pierre-Marie Epiney

Le train a changé la vie des Sierrois

Il y a 150 ans, les 6, 7 et 8 septembre 1868, le train entrait pour la première fois en gare de Sierre. Il fallait du courage et de l'optimisme pour ouvrir une voie ferrée à travers les Alpes. Un projet insensé, voire ridicule. Et pourtant...

A cette page, la même carte est présentée comme "le kitsch serviteur de Cupidon".

Nombreux projets

Italiens, Français, Suisses et Autrichiens ont cherché à l'envi à raccourcir les distances, à aplanir les sommets, à écarter les obstacles qui empêchaient les communications et les échanges entre les peuples. Certains voulaient le Mont-Cenis, d'autres le Gothard, le Lukmanier ou encore le Brenner. Les chamailleries entre les divers porteurs de ces projets ont favorisé la ligne du Simplon, même si on avait encore de l'espoir de desservir la ville sarde d'Aoste via Martigny par un tunnel au col de Menouve, proche du Grand St-Bernard. En 1854, l'octroi d'une concession ferroviaire était l'autorité du canton du Valais. Mais qui voulait construire une ligne de 122 km de St-Gingolph à Brigue ? Pas les Valaisans qui n'avaient pas le sou !

Un fou génial mais charlatan

C'est donc à l'étranger, par l'entremise de Joseph Barman, ministre de la Confédération à Paris, que l'on a cherché un homme providentiel. Pas un ingénieur, ni un technicien, mais un journaliste un peu fou: le comte Adrien Morlhon de La Valette (1813-1886), un homme doué d'une rare faconde et d'un aplomb imperturbable. La Valette était un inventeur et administrateur de sociétés françaises à Paris. En plus de sa passion pour le chemin de fer, il avait des méthodes charlatanesques pour vendre ses projets. Créant sociétés sur sociétés, qui finalement tombaient toutes en faillite, l'aventurier parisien, beau-parleur, a néanmoins réussi à faire avancer sa locomotive et ses wagons, pleins d'utopie et de rêves, jusqu'à Sierre. La Valette qui avait besoin d'argent pour continuer «sa ligne d'Italie» a donné un éclat sans précédent aux fêtes inaugurales de l'arrivée du premier train à Sierre les 6, 7 et 8 septembre 1868, accueillant jusqu'à 150 journalistes internationaux. Peine perdue pour Sierre-Brigue. Car à la suite de frasques et de promesses non tenues de sa part, sa société est dissoute et la concession retirée. Brigue patientera 10 ans !

La plaque commémorative du comte La Valette a sa place à la gare. DR

Le train des présidents et des curés

Ce dimanche 6 septembre 1868, les premiers invités étaient déjà en ville de Sierre, peuplée alors de 1095 habitants. Il ne fallait pas rater le rendez-vous avec l'histoire. Vers 14h00, le train d'honneur composé de cinq wagons, tiré par une locomotive Adler quittait Sion avec ses invités. Première halte à St-Léonard pour accueillir sous les vivats son président Barthélémy Gillioz et son curé Joseph-Cyprien Gaudin. Seconde halte triomphale à Prafalcon-Granges. Les invités sont nombreux. On fait monter les Lensards: le président Joseph-Louis Rey, le recteur Joseph Chaperon, puis les Grangeards: le président Maurice Gillioz, le curé Victor-Romain Constantin, et enfin les Grônards: le président Pierre-Joseph Bürcher, le curé Ignace Droz et les conseillers respectifs. A cette occasion, le président Bürcher déclare: «La mine de Grône vous offre gratuitement le charbon et la Bourgeoisie de belles traverses en mélèze». Joli cadeau !

Trois jours de délire avec l'Avenir de Chalais

A Sierre, l'accueil est délirant. Pas moins de quatre fanfares occupent l'estrade, dont l'Avenir de Chalais. Dix-huit orateurs se succèdent lors d'un gigantesque banquet aux flambeaux de 500 couverts, auquel prennent part de nombreux ministres étrangers, ambassadeurs et représentants des villes suisses. Il y a le conseiller fédéral Jean-Jacques Challet-Venel, l'évêque Mgr Pierre-Joseph de Preux, le président du conseil d'Etat Antoine de Riedmatten, le conseiller d'Etat Alexis Allet, vice-président, le président de la ville de Sierre Frédéric de Courten qui promet un subside de 50 francs pour les frais de la fête…La Valette rit jaune ! Durant trois jours, Sierre devient la ville des réjouissances lumineuses, bals, concours de tir, excursions de toutes sortes et descentes dans les caves. Mêmes les Anniviards sont là avec les fifres et tambours.

Première gare en bois

Les anniversaires !

En 1918, le 50e anniversaire n'est pas commémoré. En cause, la guerre mondiale finissante.

Pour le 100e, le 7 septembre 1968, Sierre voit l'arrivée d'un train historique et la présence de Roger Bonvin, conseiller fédéral.

Puis, c'est le 125e anniversaire le 7 septembre 1993: l'intrépide Louis Pont, chef de gare, parvient à faire baptiser un TGV du nom de VALAIS et pose une plaque commémorative avec la complicité de Paul-Michel Bagnoud, alors directeur de l'OT.

Le TGV "Valais" est tiré/poussé par l'antique locomotive.

Baptême du TGV VALAIS en 1993 lors du 125e anniversaire: de gauche à droite: André Pont, président de la Bourgeoisie, Serge Sierro, conseiller d'Etat, Charles-Albert Antille, président de la Ville et Louis Pont, chef de gare.

Le TGV "Valais"

Quant au 150e anniversaire en cette année 2018, les Sierrois verront l'arrivée du train à deux étages, la mise en chantier de la démolition du pont de Beaulieu, puis sa reconstruction.

L'historique en bref

Les sources :

La photo du comte Lavalette n'a jamais été publiée sur Internet - pas même sur Wikipédia. Elle provient de la Tribune de Genève.

Pour écrire mon texte j'ai puisé les références suivantes :

1. Les débuts du chemin de fer en Valais - écrit par Paul Perrin , extrait des Annales Valaisannes de novembre 1961)

2. Histoire du chemin de fer de la ligne du Simplon - Payot 1920 - (En ligne sur Internet)

3. Sierre - Le 7 septembre 1868 et Cent ans plus tard - Imprimerie Schoechli - édité par la Ville de Sierre, avec un texte d'Aloïs Theytaz

4. Archive de divers journaux dont le Confédéré

Charly Arbellay, texte paru dans le Journal de Sierre du 24 août 2018

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Pour en savoir plus sur le comte Adrien de Lavalette, cliquez sur ce lien.

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