Au temps de la grippe "espagnole"

Au temps de la grippe "espagnole"

4 décembre 1918
Pierre-Marie Epiney

Quelle émotion lorsque je suis tombé sur cette carte en vente en Allemagne ! Il ne s'agit ni plus ni moins que d'une carte écrite par Marie Mercier de Molin (1859-1947), épouse de Jean-Jacques Mercier (1859-1932), le fondateur du château éponyme visible ici.

Que dit-elle ? Nous sommes en décembre 1918. Comme si les ravages de la grande guerre n'avaient pas suffi, voici que la grippe "espagnole" sévit qui fit encore davantage de victimes que la première guerre mondiale "peut-être jusqu'à 100 millions selon certaines réévaluations de 2020" [source].

Marie Mercier de Molin évoque-t-elle cette pandémie ? Oui !

Voici son texte :

Pradegg. Sierre. 4 XII 1918

Mon cher Emile,

Nous vous remercions beaucoup de votre jolie carte et nous avons été très heureux d'avoir de bonnes nouvelles de vous. Jusqu'à présent mon mari et moi avons échappé à la grippe ainsi que la famille Chappuis. Hewige est la seule qui soit atteinte, mais jusqu'à présent pas gravement. [??] il y a 5 malades. A Sierre, il y en a des quantités mais peu de morts. Ce n'est pas comme dans l'armée fédérale où à la suite de la mobilisation de guerre, il y a eu tant de malades et tant de décès de tout jeunes gens. Cela fait bien de la peine. Je vous souhaite bon courage jusqu'au mois de mai et bonne réussite jusqu'au bout.

Cordiales salutations. Marie Mercier de Molin

notrehistoire.imgix.net/photos...

notrehistoire.imgix.net/photos...

Selon Pascal Ruedin auteur du livre signalé ci-dessous, "ces deux œuvres ont été commandées par le couple à Louis Rivier, portraitiste attitré de la famille. Manifestement peints comme pendants, ils traduisent la différence des rôles sociaux de l'homme et de la femme."
Ces deux portraits sont aujourd'hui propriété du Musée cantonal des beaux-arts.

Voir aussi ces documents :

Voir ces documents au sujet de la famille Mercier, fondatrice du château éponyme :

Une documentation exhaustive sur "Le château Mercier : Histoire et collections d'une dynastie bourgeoise" par Pascal Ruedin, historien d'art. Edité par Editions Monographic, 1998 à cette page.

monographic.ch/data/images/acc...

Vous devez être connecté/-e pour ajouter un commentaire
  • Paul-André Florey

    Excellents documents fort intéressants. Vives remerciements du partage!

  • Pierre-Marie Epiney

    En écho à ce témoignage, Gaëtan Cassina, professeur honoraire de l'UNIL, nous écrit ceci :

    Pour la « grippe espagnole » évoquée par Marie Mercier, j’ai moi-même un épisode familial particulièrement triste qui m’a été rapporté par ma mère.

    Maman est née le 20 juin 1916, elle avait à peine plus de deux ans lorsque sa mère est morte en couches fin ´18 ou début ´19 avec son troisième enfant. Elle était native d’un village du Trentin, Lisignago (Val di Cembra), et donc encore autrichienne, mariée à un natif de La Chaux-de-Fonds dont le père, maçon venu de Germignaga, à côté de Luino sur le lac Majeur (prov. Varese), s’était naturalisé avec toute sa famille pour pouvoir devenir entrepreneur à La Tchaux.

    Avec son grand frère, ma maman a été élevée par la sœur de sa mère, devenue seconde épouse de son père et décédée d’un cancer avant la fin des années 20’ après avoir mis au monde deux filles et un garçon, les cinq orphelins étant finalement pris en charge par une troisième sœur - qui n’épousera pas mon grand-père mais restera avec la famille avant de retourner dans le Trentin pour s’y marier…

    Une histoire presque « fellinienne », donc.

    • Renata Roveretto

      Cher monsieur Pierre-Marie Epiney, merci pour nous avoir transmis ce témoignage très chargé qui mérite bien d'être entendue, partagé et transmis aux générations suivantes

      Amitiés Renata