Autrefois, la religion par Rémy Epiney
Autrefois, la religion par Rémy Epiney
Rémy Epiney (1927-2023) a vécu mille et une vies. Une série de capsules vidéos en témoigne.
Dans celle-ci, il évoque l'influence de la religion sur la vie de tous les jours à Cuimey, hameau situé sur la route d'Anniviers, entre Vissoie et Ayer :
"Quand on voyait le curé, les gamins on se faufilait. On avait pratiquement peur du curé, je sais pas pourquoi."
C'est tout un pan de l'histoire anniviarde qui est contée dans cet extrait.
En complément, un extrait du blog tenu par Rose Bünter-Salamin (1927-2012) en date du 7 février 2008 et transcrit par sa petite-fille Ivana :
Le 2 février nous fêtons « la chandeleur ». C’est à l’origine, une fête catholique qui célèbre la présentation de Jésus, au Temple et la purification de la Vierge Marie. Une ancienne tradition veut que ce jour-là on confectionne des crêpes, pour cela on tient une pièce de monnaie dans une main, pendant que, de l’autre on fait sauter la crêpe en l’air pour la rattraper dans la poêle.
Mercredi 6 février, c’est la première journée de CARÊME dans la tradition catholique. En souvenir d’Adam condamné « à retourner poussière » après son péché. Les chrétiens sont appelés à se purifier de leurs fautes en passant par des privations, cela jusqu’au vendredi saint (Jour de la mort du Christ, c'est-à-dire 40 jours précédant la Pâques.)De nos jours les fervents catholiques se rendent encore à l’église pour la « distribution des cendres », cérémonie pendant laquelle le prêtre utilise une poignée de cendres en faisant le signe de croix sur le front des pratiquants. Coutume toujours actuelle.
Des souvenirs de mon enfance il me souvient spécialement du 3 février. (St. Blaise) évêque en Arménie, martyrisé en 316, patron des drapiers. Dans sa résidence épiscopale, il recevait les gens et les bêtes malades qu’il guérissait d’une simple bénédiction. Autrefois pour rien au monde nous ne manquions à la cérémonie. Deux bougies tenues en forme de croix sur notre cou, nous préservaient des angines et des maux de cou, durant tout l’hiver. …. Si ma fille Michèle a pu éviter l’ablation des amygdales, c’est grâce à la divine intervention de Saint Blaise qui fut décapité ne voulant renier sa foi. Ces quelques faits à vos réflexions.
Voici ce que Bernard Crettaz dit dans son essai : "Le curé, le promoteur, la vache, la femme et le président" paru en 2008 aux Editions Porte-plumes (en page 47) :
L’obsession de la faute, de la culpabilité et cette pathologie du « scrupule du péché » (commis ou non) vont progresser très fortement. La peur de la mort est parallèle à une sexualisation de la faute dont le curé s’occupera avec une grande sévérité. Ce qu’il lui faut dénoncer en priorité, c’est l’attrait de la danse. Cette vieille obsession de l’Eglise prend une dimension insoupçonnée, la modernité multipliant les occasions de péché : le bal, la danse – le danger donc d’attouchement et de frôlement sensuel-, le risque de succomber au péché mortel, voilà le visage du mal.
Pour le conjurer, Joseph Francey emploiera les grands moyens. Il dénonce les danseurs et les danseuses du haut de la chaire et les convoque à la cure pour une stricte reprise en mains. Car le curé a des « espionnes » choisies parmi les vieilles filles pieuses (celles, dit-on, qui portaient la Sainte Vierge au moment des processions). Elles savent repérer les lieux retirés des villages et des mayens où l’on se cache pour danser. Dès lors, aucun secret ne résiste au curé ; du haut de la chaire, il attaque et demande de ne pas « se réjouir avec le diable », qui est toujours présent à la danse. En 1915, il dit : « Je rappelle aux personnes qui vont bientôt aller dans les mayens garder le bétail, de ne pas se croire tout permis… » Car si les réunions de danses commencent, elles s’attireront des désagréments sérieux ». En 1930, il précise : « Les filles qui ont dansé mardi à Mission viendront me trouver à la cure. » Plus tard, il met en garde les femmes du danger que peuvent représenter les militaires et les visites dans leurs cantonnements. Au moment où arrivent de nombreux travailleurs étrangers pour la construction du barrage, on couvre les murs des cantines et des dortoirs d’images religieuses, dans l’espoir que cela freine l’ardeur sexuelle des Italiens et préserve la vertu de nos jeunes filles travaillant dans ces lieux d’aussi grand danger moral. Après la guerre, lorsque le tourisme reprend, on fera placarder en Anniviers cette affiche cantonale de lutte contre le short : « Touristes qui admirez les beautés de notre pays, ayez à cœur d’en respecter la grandeur et la dignité par une tenue décente. »
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