Me voilà maintenant sauvé!

Me voilà maintenant sauvé!

8 juin 1916
inconnu
Pierre-Marie Epiney

CP postée de Montana Vermala le 8 juin 1916, expédiée par un sergent interné à la Pension Mirabeau pour Paris.

Transcription partielle du verso :

"Mes chers amis,
J'ai le bonheur de vous annoncer que pour raison de santé je suis interné en Suisse, vous dire le ouf! de satisfaction que j'ai poussé!
Me voilà maintenant sauvé et plus sûr que jamais d'avoir le plaisir bientôt, souhaitons-le, de vous voir (...)"

Voici ce que dit Edmond Bille dans son ouvrage "le Carquois vide" au sujet de l'hébergement des officiers [et sous-officiers] :

La troupe est répartie dans <a href="">trois hôtels</a> et comprend deux secteurs français et un secteur belge. Les officiers, au nombre d'une dizaine, sont convenablement logés dans la pension voisine. Leur doyen est un lieutenant-colonel basque, grand blessé, austère et taciturne. Ils font table commune avec leurs collègues belges, vieux commandants, sédentaires et enjoués, en majorité flamands, qui portent des vêtements sombres et d'invraisemblables képis.

Les officiers français protestent parce que je leur ai adressé un nouveau compagnon : un sous-lieutenant de tirailleurs, arabe. Ils n'entendent pas vivre « à côté d'un bicot ». Ce dernier n'insiste pas et je ne tarde pas à connaître la cause de cette discrétion. Il a débarqué ici avec une jeune Oberlandaise qui, fidèlement, l'a suivi depuis le camp bernois où il séjournait. Il demande à s'installer chez l'habitant et je ferme les yeux sur cette idylle suisso-africaine.

Le gros des soldats français occupe la <a href="">plus vaste des trois maisons</a> . Un autre abrite une section d'Arabes et de Marocains. On nous a enlevé deux soi-disant « caïds », sous-officiers de Goums, dont les mœurs paraissent incompatibles avec les habitudes du pays. Ils n'en ont pas moins pris celle de se saouler abominablement avec notre « fendant ». On avait, un beau matin, retrouvé l'un de ces grands gaillards en burnous, ivre-mort, cuvant son vin dans le fossé, et cette aventure avait hâté leur départ pour une colonie disciplinaire.

Edmond Bille, le Carquois vide, la Baconnière, 1939

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  • Martine Desarzens

    Ce courrier est très émouvant. On imagine le bonheur de la famille et des proches en lisant ces lignes!

  • Pierre-Marie Epiney

    Vous avez tout à fait raison, chère Martine. Et pourtant, dans le meilleur des cas, il leur faudra sans doute attendre jusqu'à l'armistice (novembre 1918). Sans compter que beaucoup de ces internés ne reverront jamais leur pays et leur famille et seront enterrés à Sierre ou à Montana. Merci de votre réaction.

  • Martine Desarzens

    En effet ces destins de soldats durant la guerre éteint si douloureux !