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Construction de la route du Simplon : un document intéressant

Construction de la route du Simplon : un document intéressant

23 avril 1803
Houdouart, ingénieur en chef aux travaux du Simplon ; collection Pm Epiney
Pierre-Marie Epiney

Cette lettre datant du 3 floréal de l'an 11 de la République française (23 avril 1803) est signée par F. R. Houdouart, ingénieur en chef, commandant la première brigade des Ponts et Chaussées aux travaux du Simplon.

Elle est adressée au "citoyen Fortis, entrepreneur aux travaux du Simplon".

Selon ce site, "Par la victoire de Marengo, le 14 juin 1800, Napoléon s’était assuré la domination de la Haute Italie qu’il songea aussitôt à relier à la France par une bonne voie de communication. Le 7 septembre 1800, il donna l’ordre de commencer la route de Genève à Domodossola par le Valais et le Simplon. Le tronçon de Glis à Gondo fut commencé en 1801. Il présentait de telles difficultés que, malgré la multitude des ouvriers (plus de cinq mille parfois), il ne fut viable qu’en 1805."

F. R. Houdouart - qui vient de remplacer Lescot mort au Simplon l'année précédente - annonce que les travaux reprendront le "1er prairial prochain" (21 mai 1803) et seront dotés de 800'000 francs. Il donne l'ordre à Fortis d'organiser le chantier.

Il détaille le besoin en ouvriers pour les différents tronçons, précisant les corps de métiers utiles. A titre d'exemple, du "pont de Brémen (?) au pont de Ganter", il faut 510 hommes répartis comme suit :

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La "division Jacquet" nécessite 800 ouvriers et 520 pour la "division Basso (?)".

Un des aspects les plus intéressants de cette lettre réside dans le souci de Houdouart pour que les ouvriers soient mieux traités :

"Vous savez que les ouvriers ont été généralement fort maltraités et qu'ils ont gagné à peine de quoi subsister. Aucun motif ne pourrait pallier aujourd'hui cette injustice. Je vous préviens que c'est sous la condition seule qu'elle n'aura pas lieu que vous serez conservé. A cet égard, je n'ai demandé votre conservation que dans la conviction où j'étais que les ouvriers seront mieux traités cette année."

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Enfin, l'urgence de la réalisation du Simplon importe beaucoup au yeux de l'empereur. En ce sens, Houdouard exerce une pression importante sur son mandataire en disant :

"On exige que la route soit ouverte dans toute sa longueur, cette campagne-ci. Les fonds sont suffisants pour en venir à bout, il n'y aurait donc que la cupidité ou la malveillance qui pourraient en empêcher et j'ai les pouvoirs nécessaires pour en arrêter les effets : comme aussi mon intention est de rendre une justice éclatante à ceux qui auront apporté dans l'exécution des travaux : docilité, activité, intention franche de bien faire et surtout de mieux traiter les ouvriers qu'on ne l'a fait la campagne dernière."

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Il termine cette lettre de quatre pages (disponible chez moi) en réclamant un accusé de réception précisant

"l'intention et la possibilité de suivre avec précision toutes les conditions insérées dans cette lettre, afin que je puisse prendre de suite d'autres mesures, au cas où vous ne le puissiez point."

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  • Pierre-Marie Epiney

    Une précision de Charly Arbellay (journaliste):

    J’ai trouvé une réponse à ton point d’interrogation à propos du Pont sur la rivière la Ganter. L’ancienne route du Simplon partait du contour de Schallberg à la cote 1320 m., redescendait vers le pont sur la rivière Ganter pour remonter vers Bodmen (aujourd’hui Bodé).

    La définition Ganter-Brémen est en réalité Ganter-Bodmen. Je connais bien le coin pour avoir (dans ma jeunesse) visité et étudié le gigantesque pont –viaduc du Ganter. La photo actuelle a été prise justement au départ du contour de Schallberg. On voit bien que pour franchir ce vallon du Ganter ou Gantertal, il fallait bien au moins 500 ouvriers.

  • Nicolas Perruchoud

    Le Simplon revêt une importance stratégique de premier ordre pour Napoléon. Ce document le montre bien. L'attention à porter aux ouvriers relève-t-elle de la seule nécessité d'accélérer les travaux ou laisse-t-elle une part à la philanthropie ? On se plaît à penser que Houdouard, en plus de son expertise technique, savait faire preuve d'humanité.

    • Pierre-Marie Epiney

      Selon Michel Salamin dans son ouvrage "le Valais de 1798 à 1940", page 51,

      l'ingénieur François-René Houdouart multiplie ses démarches pour trouver les 2000 ouvriers dont il a besoin. Il en cherche dans le Pays de Vaud... Quant aux Valaisans, ils refusent de s'engager comme terrassiers et comme mineurs. Le Conseil d'État recours à la contrainte. Le 20 juillet 1805, il arrête que chaque commune fournira son contingent d'ouvriers. Mais leur nombre n'atteint jamais celui de 500 fixé par l'arrêté gouvernemental. Les quelques 150 que les communes réunissent sont presque tous des garçons de moins de quinze ans et des hommes de plus de soixante. Encore s'ils étaient aptes au travail ! Aux dires de l'ingénieur en chef (Houdouart) , il n'y a parmi eux "que des crétins et des enfants".

    • Pierre-Marie Epiney

      Une réaction de Jean-Henry Papilloud, historien, ancien directeur de la Médiathèque, au sujet de ce document :

      "J’en profite pour te retourner deux ou trois informations sur le formidable document de la route du Simplon. Pour les lieux, je n’ai pas vraiment résolu la question des ponts autour de celui du Ganter. Après c’est clair : le pont de Frombach existe toujours. Avant, ce pourrait être un pont après Schallberg qui passe sur le “Lagbrunnu” (orthographe actuelle). Une partie du parcours entre Challberg et le pont du Ganter s’appelle Ze Brunnu. Il aurait donc pu écrire Breuren ou Breunen(?)"