Wanted : sage-femme !
Wanted : sage-femme !
Comme le souligne l'artiste-peintre Roger Theytaz (*1941) dans l'interview ci-dessous, la sage-femme était un des personnages les plus importants d'une communauté, avant le curé et le président.
Les archives cantonales du Valais possèdent un cahier intitulé "Protocole des délibérations du Conseil et des Assemblées du tiers d'Ayer tant bourgeoisial que municipal, 1872 a 1892".
Tirage au sort de la future sage-femme
Le protocole de la séance du 27 août 1876, dont un extrait figure en tête de ce document, précise l'objet de la réunion :
"... au sujet de procéder à la nomination d'une sage-femme n'ayant pas jusqu'à ce jour engagé une personne qui se vouera de plein gré à faire ce sacrifice, l'administration a dû inviter en cette séance toutes les filles dans l'âge de pouvoir entrer en cette profession aux fins de les faire procéder à un tirage au sort.
Avant de procéder à ce tirage, avons eu l'avantage d'obtenir le consentement de Madeleine Martin fille du conseiller Elie Martin du village de Mission lequel a aussi donné son plein consentement aux conditions suivantes:
- Cette fille s'engage à ce rendre aux cours de sages-femmes [donnés à Lausanne] et de desservir la commune pendant dix ans depuis qu'elle sera en fonction.
- Si elle devait se rebuter et renoncer sans des cas de maladie elle rembourserait à la commune les frais de ses études [au] prorata le temps.
- La commune se charge de tous les frais, de ses classes et déplacement ainsi que livres et instruments etc
- Plus elle recevra de la commune trente francs d'appointement.
Signé
Martin B. président
Daniel Crettaz, secrétaire du Conseil
Une interprétation
Les jeunes filles convoquées pour le tirage au sort ont dû faire un "ouf" de soulagement en apprenant qu'une candidate était déjà sur les rangs. On peut se demander pourquoi, dans ces conditions, le Conseil avait tout de même décidé d'interpeller toutes les filles "dans l'âge de pouvoir entrer en cette profession". La postulante n'était-elle pas du goût du Conseil ? Et finalement, le tirage a-t-il eu lieu ? Les protocoles suivants ne donnent pas d'information à ce sujet.
… et le matin, même pas fatigués 🤪
Que ces beaux témoignages portent à réflexion !
La sage-femme est un.e professionnel.le de santé qui accompagne la femme avant, pendant et après son accouchement. Elle recouvre non seulement un rôle technique, scientifique construit sur une solide formation théorique et pratique, mais également une importante fonction psychologique d’accompagnement. Dans le cadre de mes formations en hôpital pour le personnel soignant, j’ai eu souvent cette figure professionnelle, car n’oublions pas que la naissance peut parfois se rapprocher très vite de la mort et que la sage-femme se retrouve dans ce rôle douloureux mais indispensable de soutien à la mère et au père pour vivre un chemin qui n’est pas celui qui avait été prévu.
La sage-femme offre également une supervision et des soins ainsi que des conseils à tous les stades de l’évènement y compris dans la période post-partum. Son rôle s’étend naturellement aux soins à donner au nouveau-né. Ses capacités vont des soins préventifs, à la détection d’éventuelles conditions anormales chez la mère ou l’enfant et elle doit connaître les mesures d’urgence dans l’attente de la prise en charge par le médecin, si nécessaire.
Elle a toujours eu aussi un rôle d’éducation sanitaire, fondamental pour éviter les complications après la naissance, les risques d’infections souvent, dans les temps anciens, liés au manque de connaissance et à un concept de l’hygiène assez limité. De son activité dans les villages, elle a aujourd’hui sa place comme professionnel reconnu en milieu hospitalier, en clinique, en cabinet libéral et elle agit également au domicile.
Au vu de nos connaissances, la figure de la sage-femme existe depuis l’Antiquité. On dit que « la sage-femme est celle qui donne la sagesse aux femmes en les aidant à devenir mères ». Cela a toujours était un rôle féminin, mais aujourd’hui les hommes se sont approchés de cette activité. Depuis 1982, la profession leur a été ouverte. On les appelle davantage « maïeuticiens » que sagefemme, même si l’appellation est aujourd’hui correcte pour un homme car le mot sage-femme est un mot épicène et devrait donc s’écrire « sagefemme ». Un terme épicène est un mot qui ne varie pas selon le genre. Que cela plaise ou non, les hommes peuvent revendiquer le terme de sache femme !
Quel que soit le nom qu’on lui attribue il n’en reste pas moins que cette profession a été et reste fondamentale dans l’accompagnement de la vie. Amanda Castello
Merci Amanda d'élargir la portée de cette capsule en nous partageant tes connaissances.
Amanda Castello est juriste de formation, spécialisée en sciences politiques. Elle a longtemps œuvré dans le domaine des droits humains et signe avec « Calmer sa peine » un ouvrage qui donne de précieux conseils pour faire face aux deuils qui jalonnent nos existences.
Mon arrière grand-mère était sage-femme. Probablement en 1905, elle a dû partir en pleine nuit pour un accouchement, laissant seuls son mari et son fils Benoit, 7 ans. Celui-ci, laissé à lui-même le matin, a grimpé l’échelle du galetas qui n’avait pas de balustrade, est tombé de trois étages sur une dalle de pierre et est décédé dans la soirée. Rongée de culpabilité, mon arrière-grand-maman est morte quelques années après dans de terribles douleurs, car il n’y avait pas de médecin disponible pour monter à Vercorin à dos de mulet. Cette tragédie a hanté toute la famille. Mon grand-père, qui avait 13-14 ans à ce moment-là et qui était à l’alpage, le pleurait encore avant son décès à 98 ans. La maison et la dalle de pierre existent toujours, et l’escalier du galetas est bien protégée.
Oh ! un commentaire comme on les aime : l'écho que la capsule éveille chez le lecteur. Merci Renée Danielle.
Eh bien!!! On en apprend des choses. Vraiment intéressant... tant le protocole de la séance que son interprétation.